Γρυπών γρίφοι : Καιρός, Βίος και Τέχνη στην Προσωπογραφία του Αλεξίου Αποκαύκου (Paris. gr. 2144, f. 11r)

Part of : Δελτίον της Χριστιανικής Αρχαιολογικής Εταιρείας ; Vol.37, 1997, pages 63-80

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63-80
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Grypôn Griphoi : Kairos, Art et Vie dans le Portrait d’ Alexios Apokaukos (Paris. gr. 2144, f. 11r)
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«L’ occasion fait le larron»! {Petit Robert, s.v.). La très familière figure de l'occasion, que l'on saisit «par les cheveux» tant qu'il est encore temps, ne cesse d'être evasive malgré la précision de l'acte conseillé aux divers «prétendants», à tout un chacun qui vise profit et succès dans n'importe quel domaine de l'expérience: de la saisir par devant, quand elle s'approche de vous. Encore plus évasif que cette figure féminine dérivée - dont une version, accompagnée de Metanoea, et dépendant théoriquement de la statuaire grecque (attr. à Phidias), existe en littérature latine au moins depuis l'épigramme d'Ausone (Bordeaux, IVe s.) In simulacrum Occasiona et Paenitentiae (33, p. 323-4 Peiper) - est son ancêtre grec portant le nom intraduisible de Kairos, dont l'actif est enregistré dans des champs divers de la vie ou de la création, avec des résultats qui dépassent la matérialité de l'immédiat. De ce fabuleux personnage, considéré comme divinité (Ion de Chios, mentionné par Pausanias V, 14, 9), c'est le Sicyonien Lysippe (IVe s. av. J.-C.) qui donna l'équivalent plastique. Par cette statue disparue, dont des traces littéraires et des avatars plastiques nous sont toutefois parvenus, voulut-il ériger en bronze son idéal de l'oeuvre d'art? A-t-il donc voulu, par cette cristallisation mythographique, suggérer le moment de l'achèvement équilibré de l'oeuvre, par le dosage adéquat des éléments qui la composent? En tout état de cause, s'éloignant de sa formulation initiale, l'image navigue pour tracer une longue tradition littéraire et figurative, riche en variantes; celles-ci, étant initialement conçues dans un environnement discursif païen, servent plus tard, dans leur transformation, à la démonstration chrétienne. Le premier témoignage qui en parle, se rapportant directement à l'oeuvre de Lysippe (dont il est de quelques décennies postérieur), est l'épigramme de Poseidippos de Pella {Anthologie Grecque XVI, 275). Kairos y est présenté marchant sur les pointes, portant des talonnières à chaque pied, volant comme le vent; il tient un rasoir de la main droite pour montrer l'acuité de l'instant propice. Il est chauve par derrière, pour donner à voir que personne n'arrive plus à le saisir quand il s'en éloigne. Or parfois, après avoir été intégré dans un héritage omniprésent, Kairos ne préserve plus le souvenir de son créateur - en sculpture; ainsi en est-il, par exemple, dans un récit qui relate un événement de 479, sous le règne de Zenon. Ayant tenté d'usurper le pouvoir, Marcien laissa l'occasion s'enfuir. Et l'historien Evagre de remarquer: «Elle a vol rapide, en effet, l'occasion; quand elle est juste devant vous, elle se laisse peut-être prendre, mais, si l'on a manqué la prise, elle file en l'air et se rit de ceux qui la poursuivent, ne souffrant plus désormais qu'on l'atteigne. De là vient à coup sûr que les sculpteurs et les peintres lui font tomber les cheveux en avant, tandis que par derrière ils lui rasent la tête jusqu'à la peau: par là ils suggèrent bien ingénieusement que, si elle marche derrière vous, elle se laisse peut-être prendre par sa chevelure qui tombe, mais que, une fois qu'elle a passé devant vous, elle échappe totalement, n'offrant au poursuivant aucune mèche par laquelle on la puisse saisir. C'est ce qui arriva aussi dans le cas de Marcien: comme il avait perdu l'occasion qui se présentait favorablement à lui, il ne put désormais en trouver de pareille». {Histoire ecclésiastique III, 26; trad. Festugière: n. 8, supra.) Beaucoup plus tard, l'épigramme de Poseidippos est entrée dans la version enrichie de l'Anthologie, composée vers la fin du XHIe siècle par Maxime Planude. Cependant, Kairos figurait aussi dans la littérature médicale antique, et notamment dans le premier aphorisme d'Hippocrate: «La vie est brève, l'art est long, l'occasion fugitive...». Dans un manuscrit tardif de la Bibliothèque nationale, le cod. grec 2144, après des textes introductifs et précédant les oeuvres d'Hippocrate, est inséré un bifolium de parchemin (f. 10-11), avec, sur ses faces intérieures (Fig. 3-4), les portraits de l'auteur (à g.) et du grand duc Alexios Apokaukos (à dr.). Ce dernier (fl345) est accompagné discrètement d'un jeune personnage anépigraphe, considéré tantôt comme figurant un de ses fils, ou un serviteur, tantôt comme personnifiant la médecine. Sur les pages ouvertes du livre posé sur le pupitre - mis en rapport, dans la miniature de droite, avec le figurant (fig. 8) - on lit justement le premier aphorisme hippocratique. En nous appuyant sur des données littéraires et biographiques, nous proposons ici de reconnaître en ce personnage anonyme un lointain descendant du Kairos antique, poussant dans un contexte apparenté.
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